Le handicap invisible : une réalité quotidienne pas si invisible pour moi
Récemment, j’ai ressenti le besoin de remonter sur scène. Après des périodes difficiles, j’ai trouvé dans le café-théâtre un moyen de libérer la parole et de me reconnecter à moi-même. J’avais fait du café-théâtre il y a quinze ans, et même si je ne prétends pas devenir humoriste, l’humour m’aide à dédramatiser certaines situations, comme mon handicap invisible.
Dans le cadre des cours de la Compagnie du Café-Théâtre de Nantes, j’ai écrit un cours sketch dans le cadre d’un exercice. On nous a demandé de parler d’un objet de notre quotidien. J’ai choisi ma bouée : un coussin orthopédique en forme de donut, que j’utilise depuis deux ans pour soulager la pression lorsque je suis assise.
Ce sketch est une manière de parler de mon handicap invisible, un sujet que je n’aborde pas toujours facilement, surtout en milieu professionnel. En tant que travailleuse indépendante, je suis aussi en recherche d’un poste à mi-temps, et savoir comment parler de mon handicap en entretien reste une difficulté. Pourtant, c’est une réalité que je dois gérer chaque jour.
Un café-théâtre pour briser les idées reçues
Cette bouée qui me suit partout depuis plus de deux ans, celle sur laquelle je m’assois en permanence. Cet exercice m’a permis d’aborder un sujet qui, bien que personnel, touche beaucoup de personnes : le handicap invisible. Ce type de handicap ne se voit pas au premier coup d’œil, et c’est souvent là que commencent les malentendus.
Un défi personnel sur scène : gérer l'immobilisme
Mon plus grand défi dans ce cours de café-théâtre ? Rester immobile sur scène. Ce n’est pas que je vais déclencher une « crise », mais mon corps n’aime pas rester en place trop longtemps. En plus de mon problème de coccyx, j’ai aussi des vertèbres C6 et C7 touchées par une sténose foraminale (en gros, un rétrécissement qui complique la circulation des nerfs). L’immobilisme, c’est mon ennemi, donc, par réflexe, je bouge constamment.
Sur scène, ce n’est pas si simple, car il faut savoir gérer ces mouvements. Si je reste trop immobile, j’ai peur que mon corps se bloque, mais si je bouge trop, ça risque de distraire le public. Je dois trouver un juste équilibre : bouger assez pour éviter les douleurs sans pour autant ressembler à une pile électrique sur scène !
Ce sera tout un exercice mental, et j’ai encore du mal à doser combien de temps je peux rester immobile avant de devoir bouger un peu. Mais je suis confiante : avec de l’entraînement, ça finira par venir !
Vidéo et transparence
Dans le cadre de cet exercice de café-théâtre, j’ai filmé une vidéo qui montre ce petit sketch. Cependant, je préfère être transparente : il ne s’agit pas d’une scène filmée dans les conditions idéales, ni d’une performance ultra-préparée. C’est simplement un retour de cet exercice, où je lis le texte, et où l’on peut me voir faire mes premiers pas sur scène avec cette contrainte. Cela reste un moment important pour moi, car cela montre que malgré mes difficultés, je continue à m’adapter et à relever ces défis.
Le quotidien avec un handicap invisible
Mon handicap, c’est un peu comme une diva capricieuse : je dois composer avec ses exigences. Prenons la vaisselle, qui est un exercice difficile pour moi car je dois rester longtemps debout. On pourrait croire que ne pas pouvoir la faire est un avantage caché… jusqu’à ce que le lave-vaisselle tombe en panne ! Là, c’est tout de suite moins amusant, surtout quand je n’ai personne pour m’aider et que la pile de vaisselle commence à s’accumuler.
Et pour le repassage, c’est encore pire. Il est scientifiquement prouvé (selon moi, évidemment) que plus de 10 minutes de repassage sont nuisibles non seulement pour mon dos, mais aussi pour mon moral. Du coup, j’opte pour des vêtements qui ne se froissent pas… ou je me convaincs que les plis, ça fait partie du style !
Quant au travail, l’adaptation est clé. Travailler sur un bureau classique ? Compliqué à ce jour, tant que je n’aurai pas trouvé la bonne assise. Aujourd’hui, je travaille depuis mon canapé, avec un petit meuble incliné pour poser mon ordinateur. Ce n’est pas idéal, mais c’est ce qui fonctionne pour moi, en attendant de trouver une meilleure solution.
Le pompon, c’est qu’une bonne partie de l’année, je souffre de paresthésies dans la main droite, à cause de nerfs coincés. Le problème ? Je ne peux pas garder ma main parallèle à mon bureau. Il faut absolument que mon bras soit incliné vers le bas, sinon les paresthésies reviennent et me rendent la tâche impossible. C’est pour ça qu’aujourd’hui, je ne peux pas utiliser un bureau traditionnel : dès que je pose mon bras sur une surface plane, en position perpendiculaire, la douleur s’installe et je suis bloquée. En attendant de trouver mon trône ergonomique digne d’une reine, je fais avec.
Quand les paresthésies s'invitent
Et là, le pompon : une bonne partie de l’année, je suis gratifiée de paresthésies dans la main droite (oui, vous savez, ces adorables picotements et engourdissements). Apparemment, mes nerfs aiment jouer à cache-cache. Alors, forcément, je ne peux pas garder ma main parallèle au bureau.
Non, non, il faut que mon bras soit en descente, sinon c’est la fête des fourmillements. Impossible de travailler correctement dans ces conditions. Et c’est là que le bureau traditionnel se révèle être mon ennemi juré : dès que je pose mon bras en position perpendiculaire, les douleurs débarquent. Du coup, tant que je n’ai pas trouvé le bon fauteuil, je m’adapte et j’improvise… avec style, évidemment.
La solution gigoter la main dans tous les sens quitte à faire les marionnettes !
Un frein psychologique : la recherche d’un poste salarié
En parallèle de mon activité indépendante, je suis aussi à la recherche d’un poste salarié, que ce soit à temps partiel ou à temps plein. Et là, le frein psychologique arrive : comment aborder mon handicap invisible en entretien ? Vous savez, cette petite voix qui murmure : « Tu vas les faire fuir, c’est sûr ! » Pourtant, gérer tout ça au quotidien, ce n’est pas si compliqué… Enfin, presque !
Je pourrais dire : « Bonjour, je suis très motivée pour ce poste, mais… j’aurai besoin d’un fauteuil qu’on n’a pas encore trouvé. Si vous avez un super canapé, très confortable, avec une petite table d’appoint réglable pour ordinateur, je suis preneuse ! » Parce que oui, c’est là le vrai défi. Aujourd’hui, je ne sais toujours pas exactement ce qu’il me faut. J’ai testé plusieurs sièges, mais globalement, rien ne fonctionne. Dernièrement, on m’a fait essayer un fauteuil… je suis restée assise trois minutes et j’ai eu mal au dos pendant une semaine ! Super, non ?
En attendant, je travaille depuis mon canapé avec une table d’appoint pliable pour ordinateur qui règle la hauteur et l’inclinaison. Ça marche, mais ce n’est clairement pas une solution idéale pour un environnement de bureau. Alors oui, il faut pouvoir changer de position régulièrement. Ce n’est pas évident d’expliquer ça à un employeur potentiel sans donner l’impression que je demande un aménagement de salle de repos !
L’inclusion en entreprise : plus qu’un siège ergonomique, une question de bien-être global
Aujourd’hui, on parle beaucoup de l’inclusion en entreprise, mais bien souvent, cela se limite à fournir un siège ergonomique ou un bureau réglable. Pourtant, mon expérience me montre que l’inclusion, c’est bien plus que cela.
En tant que personne avec un handicap invisible, j’ai pu constater que les solutions standards ne suffisent pas toujours. Oui, un siège ou un bureau debout, c’est bien pour certains, mais est-ce que cela règle vraiment le problème de ceux qui souffrent de douleurs chroniques, notamment au dos ?
Repenser l’inclusion : vers un confort optimal des salariés
Aujourd’hui, on peut avoir l’impression que les politiques d’inclusion en entreprise se concentrent souvent sur les aménagements visibles.
Cependant certaines entreprises font un vrai travail sur l’inclusion qui dépasse le handicap et donc la compensation technique. La compensation technique ne représente que 10 à 15% des adaptations de poste.
Toutes les entreprises ne sont pas égales et toutes n’ont pas compris ce qu’est l’inclusion.
Il ne reste qu’à emboiter le pas de celles qui sont actrices en ce domaine.
Qu'est-ce que l'inclusion ?
L’inclusion ce n’est effectivement pas que se pencher sur la compensation mais faire que la personne puisse participer à la vie en société et de l’organisation, quelque soit sa singularité, qu’elle soit acceptée et se sente acceptée.
Imaginez un salarié qui, au lieu de souffrir en silence ou de prendre des jours d’arrêt maladie pour cause de douleurs dorsales, aurait simplement accès à une lampe chauffante derrière lui, tout en travaillant. Cela pourrait éviter des crises et rendre la personne opérationnelle à 100%, sans pour autant nécessiter des équipements hyper sophistiqués. Ce sont des gestes de prévention simples, mais pourtant souvent ignorés.
Dans mon cas, une simple lampe chauffante a fait toute la différence. Chaque fois que je sens que la douleur commence à s’installer, je la mets en marche et, comme par magie, la douleur s’atténue. Pourquoi ne pas imaginer ces outils dans les entreprises pour prévenir les crises de douleurs chez les salariés ? Ce genre de dispositif est peu coûteux, facile à utiliser et pourrait améliorer significativement la qualité de vie au travail pour de nombreux employés.
Le bien-être au travail, un investissement rentable
Investir dans le bien-être des salariés, ce n’est pas seulement une question de confort, c’est aussi une stratégie gagnante pour l’entreprise. Un employé qui souffre moins, c’est un employé plus productif, moins souvent en arrêt maladie, et surtout plus motivé à donner le meilleur de lui-même. Pourquoi alors ne pas aller plus loin que l’aménagement de l’espace de travail classique et intégrer des solutions innovantes comme les lampes chauffantes ou d’autres dispositifs de prévention ?
Cela pourrait sembler peu conventionnel, et je suis certaine que personne n’a encore suggéré d’installer des lampes chauffantes pour les salariés dans les politiques d’inclusion. Pourtant, ne devrions-nous pas repenser le confort des employés pour qu’ils soient non seulement présents, mais pleinement efficaces et sans douleur ?
L’usage de la carte d’inclusion : entre soulagement et culpabilité
Ah, la carte inclusion… mon fidèle allié, et parfois, ma source de culpabilité. Oui, j’ai un handicap, mais disons-le franchement : il est léger par rapport à ce que d’autres peuvent vivre. Moi, je compense. J’ai mes petits ajustements, ma lampe chauffante, et mes astuces. Mais voilà, il y a toujours cette petite voix qui me dit : « Tu n’oses pas sortir ta carte, non ? Regarde les autres… Certains sont en fauteuil, ils ont perdu un membre, ils sont aveugles… Toi, tu vas passer pour une impostrice ! »
Et là, je me retrouve coincée dans cet entre-deux, entre le monde des valides et ce que j’appelle, sans prétention, le « réel handicap ». C’est un peu comme être dans un cours de chant où tu fais de ton mieux, mais à côté de toi, il y a Paul McCartney. Oui, tu chantes, mais bon… pas comme lui !
J’ai parfois l’impression que j’abuse quand je sors cette carte. Dans les files d’attente, devant moi, il y a toujours quelqu’un en fauteuil roulant, et moi, je suis là, avec mon petit mal de dos et ma carte en main. Et pourtant, c’est mon droit ! Je devrais l’utiliser, mais la culpabilité me suit de près, prête à me rappeler à l’ordre.
Alors oui, j’ai de la chance. Je peux compenser mon handicap, ce que d’autres ne peuvent pas toujours faire. Mais ça n’enlève rien à la réalité : j’ai besoin de cette carte dans certaines situations, et même si je me sens parfois un peu comme une impostrice, ça n’enlève rien au fait que, sans elle, les journées seraient bien plus difficiles à gérer.
L’accompagnement essentiel : AGEFIPH et LADAPT
Je suis actuellement accompagnée par deux structures : l’AGEFIPH finance les aménagements nécessaires, et LADAPT, via une ergothérapeute, m’aide à trouver des solutions adaptées à ma situation professionnelle. Le tout avec la bienveillance de Cap Emploi. Ensemble, ils m’aident à mieux m’équiper pour pouvoir travailler dans de bonnes conditions.
Mon siège Ergotech ; la solution magique pour des trajets tout confort
Pour mes trajets en voiture, j’ai enfin trouvé le Saint Graal du siège auto parmi les différentes gammes proposées par Ergotech. Attention, ce n’est pas juste un coussin moelleux… non, non, c’est un véritable pack de survie pour mon dos : coussin ergonomique, dossier pour les renforts latéraux, et un appuie-tête digne d’un fauteuil royal. Franchement, c’est juste magique !
Depuis que je l’utilise, c’est une révélation : je suis prête à faire des kilomètres. Avant, les longs trajets, c’était un peu comme signer pour un marathon en talons aiguilles, mais maintenant, je me sens presque prête pour le Paris-Dakar ! Ce siège a vraiment changé la donne. Confort absolu et je dirais même, un plaisir à conduire… enfin, presque !
Le regard des autres et les défis du quotidien
Le regard des autres… ah, ce moment où tu sors ta carte inclusion et tu sens tous les regards. Il faut dire que plus de 80 % des handicaps sont invisibles, donc forcément, les gens ne voient rien. Et pourtant, une personne sur deux sera confrontée à un handicap au cours de sa vie, ou à partir de 40 ans, à une période d’invalidité professionnelle d’au moins six mois. Oui, c’est la réalité !
Avec un handicap invisible, c’est compliqué. Quand on te regarde, tu as l’impression que les gens se demandent : « Mais elle a quoi, elle, au juste ? Elle marche bien, non ? » Et là, tu te dis : « Si seulement ils savaient… ». C’est comme si tu devais te justifier pour quelque chose qui ne se voit pas. Et puis, il y a toujours cette petite voix qui te murmure à l’oreille : « Allez, tu peux le faire, c’est ton droit ! »
Alors oui, la carte d’inclusion, c’est pratique, mais à chaque fois, c’est un petit combat intérieur. Est-ce que je vais oser la sortir aujourd’hui ? Est-ce que les gens vont comprendre ou bien me juger ? Bref, c’est un défi de tous les jours. Mais avec un peu de recul, on se rend compte que cette carte, c’est plus qu’un bout de plastique. C’est un outil qui aide à faire face aux défis quotidiens, même si ce n’est pas toujours facile à utiliser sans se poser mille questions.
Faire tomber les préjugés
Avant de vivre ça, moi aussi j’avais des préjugés. J’ai travaillé avec des sportifs paralympiques, des gars avec des handicaps bien visibles : des fauteuils roulants, des membres manquants… On avait même fait un dîner où ils m’avaient regardée en rigolant, genre : « Mais toi, qu’est-ce que tu fais là ? » C’était drôle. Mais c’est vrai que face à l’invisible, on juge souvent trop vite. Aujourd’hui, je me rends compte de l’ignorance que j’avais, et franchement, je m’en veux.
Seulement 17 % des handicaps sont présents dès la naissance, et seuls 10 % des personnes en situation de handicap ont besoin d’une adaptation de leur poste de travail. Donc, ce n’est pas juste une histoire de fauteuil ou de bureau. Il faut changer notre regard, et surtout que les employeurs comprennent qu’on parle de vrais enjeux.
T Pas Cap : accompagnement pour une inclusion durable en entreprise
Dans mon travail, j’ai eu la chance de collaborer avec une entreprise inspirante dirigée par Grégory Nemeth : T Pas Cap.
Spécialiste de l’inclusion en entreprise, Grégory met un point d’honneur à accompagner les organisations vers une meilleure intégration des personnes en situation de handicap, qu’il soit visible ou invisible. C’est pourquoi j’ai choisi de mettre en avant son travail, que je recommande vivement à toutes les entreprises désireuses de faire un pas de plus vers une politique d’inclusion durable.
Conclusion : entre humour et réalité
Ce cours de café-théâtre m’a permis d’aborder ce sujet avec humour, et de répondre à des questions que les gens n’osent parfois pas poser. J’ai eu l’occasion de partager mon expérience et de rire des situations que je rencontre au quotidien. Parce qu’au fond, le handicap invisible, c’est aussi ça : vivre avec des contraintes, mais continuer à avancer, même si parfois, je dois le faire avec une bouée sous les fesses ! Et si je suis dispensée de repassage, on va dire que c’est le prix à payer.
Mon petit mot
En conclusion, il est temps de laisser tomber les "il n'y a qu'à, faut qu'on". Il faut vraiment dépasser les préjugés et comprendre la réalité des personnes en situation de handicap, visible ou invisible. Ce n’est pas une question de simples solutions, mais d’agir pour que chacun soit inclus et compris sans jugement.
Frédérique David-Créquer
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